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dimanche 16 septembre 2007

0036

Dimanche 16

Minuit 40, siège 8A, au dessus de l’aile, devant la nuit. J’adore décoller. Je survole encore la Chine mais n’en ai plus pour longtemps. Dans une heure je serai en Thaïlande avec l’embarras du choix : rester quelques jours à Bkk, attendre 7h un vol pour Phuket, 10h, un vol pour Krabi ou acheter un guide et aller en Birmanie. Aux dernières nouvelles j'étais partie pour la plage, mais un arrêt dans une ville un minimum civilisée m’enchante aussi. Je suis extrêmement heureuse de quitter la Chine. J’ai fait mes au revoir à Anthony, Malcom et Suzanne. Anthony risque de me manquer, j’avais pris l’habitude de sa présence, je me suis laissée un peu apprivoisée par sa gentillesse, son humour, son intelligence et sa langue natale. Je ne doute pas que nous nous reverrons quelque part durant notre périple.

Ce matin je me suis délestée d’une valise, je ne voyage plus qu’avec ma vielle valise que je vais devoir remplacer (je l'ai fermée pour la dernière fois, en l'ouvrant je la casserai) et le métier à broder. J' ai laissé plus de la moitié de mes affaires, je ne sais plus trop ce que contient ma valise, mais c’est un signe. Au départ de Paris, je m’imaginais dans les situations les plus extrêmes nécessitant couverture de survie et kits vitaux, alors qu’il m’est impossible de dormir dans une chambre sans A.C. Restent les 4 vaporisateurs anti bêtes, les livres, quelques habits, le maquillage, et les médicaments. J’ai offert mon ancien métier à broder aux brodeuses ravies, tout le monde me connaît dans le coin, c'est sympathique.

Anthony, Malcom et la jeune Tchäne Ouane (qui se fait appeler Emilie) sommes allés à la poste cet après midi. Très amusante rencontre avec Malcolm, nous avons peut-être joué ensemble enfant. Au jardin d'acclimatation tout d'abord, son père travaillait alors à la Défense ou vers 14 ans lorsque j'allais passer mes vacances à West Wickham, non loin de Chalfont St Peter, d’Alesbury et jouais au Rounders avec les gamins des environs que Malcolm habitait. Je ne pensais pas rencontrer quelqu'un qui avait vécu le couvre-feu dû au Fox (serial killer des années 80 que l'on compara à tors à Jack l'éventreur) en plein milieu de la Chine, vingt ans plus tard, ni même trouver qu'Adam Green avait des accents de Julian Cope et m'entendre répondre, Teardrops Explode.

Malcolm a 41ans, habite à Birmingham. Suite à un travail parfaitement mené qui lui a rapporté une bonne somme, il a planifié son voyage qui durera deux ans. Il sait où il va, ce qu’il va faire, pour combien de temps et ce qu’il fera en rentrant en Angleterre. Après la poste, il est allé chez le coiffeur.

Sim, le patron de l'auberge, nous a invités à diner dans un très bon restaurant cantonnais (Anthony, Malcolm, un japonais, une chinoise et moi) il n'aime pas non plus la cuisine sichuannaise trop grasse.

Je n’arrive pas à croire que je vais enfin être libérée de cette Chine poisseuse et collante. En Chine la télévision ne propose que les chaînes chinoises dont la CCTV9 en anglais qui évidemment fait l’apologie de la Chine. La musique de merde, le bruit, les Klaxons, les odeurs abominables, les toilettes dégueulasses, les regards, le brouillard, les armes, les militaires… Lorsque l’on est emprisonné en Chine, la famille doit payer le loyer de la cellule. Lorsque l’on est exécuté en Chine, la famille reçoit la balle, et la note qui va avec. Je suis sure que je peux en trouver d'autres, plus ou moins vraies mais peu importe, à bas les yuans, vives les Bahts.

Il y a trois ans de cela, je débarquais à Bkk, premier voyage seule si loin, munie d'un vol sec. Je suis restée quelques jours dans un hôtel dont je n’arrive pas à me rappeler du nom. Avant de partir j'ai fait une recherche fantastique sur google earth. Une ville visitée 3 ans auparavant pour peu de temps… Je repère d’abord le fleuve, puis crois me rappeler du nom du quartier. Puis du skytrain; je longe le skytrain et retrouve l’arrêt. Les arrêts, je pouvais m’arrêter aux deux. Je reconnais enfin le pont sous lequel je passais et ma rue!!.Je sais donc dans quelle rue me rendre pour rejoindre mon hôtel s’il existe toujours. Suriwong road.

Il fallait que je retourne en Thaïlande, à Bkk précisément. Je ne pensais pas m’y trouver à ce moment là, en ce moment, mais m’y voici ; dans quelques heures. Quelle étrange et passionnante vie que celle de Wanderer. Très angoissante parfois, déstabilisante, déprimante, mais à cet instant, formidable. Etre dans cet avion, réservé deux jours plus tôt, arriver dans une heure, ne pas encore savoir que faire à l’arrivée, faire selon mon envie, la fatigue, l'impression… Rester une journée pour me reposer, dormir et repartir demain, demain soir, ce soir, tout à l’heure dans quatre jours, un mois…
Connaissant Bkk, j’ai un peu l’impression de rentrer chez moi et en suis heureuse.

vendredi 14 septembre 2007

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Tout est dit.

Sim, le patron de la pension m'a offert un bon pour plusieurs services gratuits, c'était une première.
Graham a fait une démonstration de bâton, Anthony s'y est essayé avec succès.

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Il a fait très beau.
Anthony a acheté une Omega, Graham un Dupont.
Les chinois ont simulé un coucher de soleil, avec de vraies couleurs, de vrais nuages, une vraie profondeur. Graham et moi avons été interviewés pour la télévision chinoise devant le stade de Chengdu dans lequel se déroule la finale mondiale de football féminin qui me passionne au plus haut point. Nous avons dit le plus grand bien de Chengdu, de la Chine, des chinois (très envie de passer la fronitère), G pour la Corée du Nord, moi pour le Nigéria.

Les vieilles ont papoté.

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Il est une heure du mat, je pars dans deux jours moins 40 minutes.

Enfin

OneOne is a race horse Toutou is one too If OneOne won one race Toutou want too

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J'ai tenu un mois, je n'ai pas réussi à aimer ce pays. J'y ai rencontré des gens adorables, le cœur sur la main, ai constaté mes interprétations erronées, me suis réjouie d'un pays où l'on est encore libre de risquer sa vie, d'un pays où non veut dire oui, ou oui veut dire oui où de toutes façons tout ne veut rien dire pour moi qui n'ai même pas pris la peine d'apprendre plus de mots que merci et bonjour (mais j'oublie souvent ce dernier).

La Chine m'effraie. Elle affiche une possibilité de futur terrifiant, d'absurdité, de non sens, de bêtise humaine.
L'angoisse de la pollution sous toutes ses formes.
Pollution climatique extrême.
Pollution sonore (klaxons, hurlements, publicité hurlantes...)
(Nous conservons à ce jour la primeur de la pollution visuelle)
Pollution par le nombre, une foule compacte, marée humaine agissant par vagues.
L'étouffement dans toute sa splendeur. L'absence d'horizon, un territoire encerclé par un futur miné qui ressert son étau, laissant pour seule étendue visible la nuit.

Le paradis du Trop. Trop de monde, trop de bruit, trop de pollution, trop de magasins, trop de vêtements, trop d'ordures, trop de plus, encore plus, encore plus. Dans une ville où l'on ne voit jamais le soleil, jamais l'horizon, où les magasins jouent du coude, étouffent les rues, dans une ville où les quartiers sont démolis pour laisser jaillir des tours gigantesques qui cacheront un peu plus de ciel, une ville où cinq minutes dehors suffisent à déclencher une toux grasse. On se précipite alors chez soi, on allume la télé, et l'on écoute le journaliste commenter le futur : de nouvelles machines, de nouveaux vêtements, de nouveaux téléphones, de nouvelles chaussures. Pour entasser sur les nouvelles tours, cacher encore un peu ce qui reste du brouillard qui un jour faisait office de ciel ?

jeudi 13 septembre 2007

0033

Libérée de cette zone d'inertie le 16 septembre, je décide non sans mal (le syndrome de Steve s'abat sur la majorité des occupants de cette pension contaminée) de réserver un vol pour Hangzhou sur e-long.net. Suivant la procédure, je recopie mon numéro de carte visa, envoie le formulaire et me réjouis de fuir dans quelques jours. Je reçois deux mails consécutifs, l'un me notifiant le traitement de ma commande, le second me demandant confirmation des détails de ma carte bancaire, inscrivant en toutes lettres, en gros, mes noms, prénoms, NUMÉRO DE CARTE, et date d'expiration. J'appelle immédiatement l'agence à Pékin, leur confirmant mon intention de voyager sur ce vol, leur signalant le danger que représente leur e-mail et mon mécontentement à ce sujet. L'autre me baragouine un truc en chinois (pour le coup c'est sensé être de l'anglais), on se met d'accord et je lui précise que je ne veux en aucun cas qu'apparaisse mon numéro sur un quelconque mail de leur part. Une fraction de seconde plus tard, un e-mail de ‘suite à notre conversation, veuillez trouver en toutes lettres les détails de votre carte bleue, ainsi que tous les numéros figurant sur cette dernière ‘. suivi de :

英文网单 à moi

Did you received the payment authorization letter ?? WE need the cardholder's signature by handwriting!!!

Noter l'extraordinaire pouvoir d'indignation et d'exaspération que peut engendrer une surenchère de ponctuation.

Je n'ai pas prévu de chute à cette histoire, j'espère qu'eux non plus. J'ai annulé la réservation, contacté ma banque, et pesté toute la matinée clamant mon indignation à qui voulait l'entendre.

Mon plus beau cadeau d'anniversaire était de prévoir un vol hors de Chine le jour dit, j'en trouverai un autre, je quitte le pays avant. Plus de Hangzhou, gzhou Ghzi Xi kanghi… et consorts dont je ne me souviens jamais du nom avec une mauvaise volonté évidente. Je me fais une joie immense de quitter ce pays.

Adrian est parti hier, Steve aujourd'hui. Anthony a décidé de partir aussi. Il se dirige vers le Vietnam, en bus, en train, en avant.

J'ai fait imprimer des cartes par plaisir, nous sommes allés les chercher en fin de journée. J'en suis ravie. Nous avons gouté le gateau de Moonsoon à l'œuf fermenté (?) dont j'ignorais la présence.

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De plus en plus déprimés tous les deux, nous avons failli rester dans l'antre inerte de la pension à marmoner, mais un taxi s'est arrêté, direction le centre ville, où, par hasard, nous sommes allés dîner au Crowne Plaza de Chengdu Du pain, du poisson, des tables, une belle vue… Nous avons discuté la ville à nos pieds, face à la seule étendue visible de Chine, la nuit.

mercredi 12 septembre 2007

0031

Lundi morose, mardi morose, mercredi en cours.

C'est l'anniversaire de Steve aujourd'hui, 41 ans. Steve passe son temps à planifier son voyage, pendant que le temps de son voyage s’écoule.

Étrange endroit que cette pension à Chengdu. Le temps passe et je me dévitalise, m’affaisse face à la tôle ondulée qui filtre le ciel et retient la pluie. Le jours passent et je ne fais presque plus rien, sans plaisir. Les heures passent et je n’attends plus les suivantes. Les minutes passent et il fait nuit.

Ma broderie ondule sous l’humidité, n’est plus tendue par aucun fil depuis des lustres. Le temps est distordu, il règne ici une impression d’éternité, de fatalité, d’accablement.

mardi 11 septembre 2007

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Les Wanderers, apparaissent, disparaissent, survivent peut-être. Principalement des hommes. Sous couvert de gazon, nous nous côtoyions sur un terrain déchiqueté.

Il pleut.

Anthony, jeune parisien de 29 ans, a pris le transmongolien en juillet pour un tour du monde en ‘spirale contrôlée‘ ainsi qu'il le définit, sans date de retour. Dans l'idée de se retirer, il atterrit systématiquement dans des endroits peuplés. Il suit le vent, le temps, l'entourage… Il entend travailler dans les divers pays qu'il parcourra, éventuellement se poser et vivre dans l'un d'eux. Son frère aîné est mort il y a trois ans d’une tumeur au cerveau, maladie qui dura trois ans. Très proche et admiratif de son aîné, il n’en a jamais fait le deuil, s’est construit une armure pour faire tampon entre ses parents et supporter le poids de l’amour du ‘seul enfant qui reste‘.

Jo, le jeune anglais de 24 ans, est parti en fin de journée pour Shanghai, 40 heures de train en hard sleeper.

Steve, Adrian, Anthony et moi sommes allés dîner au Pizza Hut, restaurant chic de Chengdu, puis nous sommes sortis en club. Inutile de faire le moindre mouvement, le Westerner est roi, les plus jolies filles, les plus beaux garçons affluent en deux secondes. Des filles ivres pleurent dans les toilettes.
Je ne sais pas si l'Asie seule recense une population en mal de reconnaissance, continent peu cher par excellence, où le Westerner est roi et se voit manifester sa supériorité dans chaque situation.
Je me suis fait notifier qu’il était interdit de prendre des photos, interdit de s’asseoir sur un muret, brancher toute les trois secondes… Ils ont apprécié, j'ai fui.

Il pleut toujours, je n’ai jamais vu d’horizon en Chine.
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lundi 10 septembre 2007

0029

Ces derniers jours ont été communautaires. Il y a cette femme peintre anglaise qui travaille dans les environs, ce photographe singapourien qui part demain matin faire un reportage, Anthony et Adrien qui partagent le même dortoir, Jo au rez-de-chaussée, les deux américains, Alecia et jeff, qui sont partis un matin pour Lhassa en avion, et sont revenus le soir après s'être vus refusé l'embarquement faute de permis, ils partiront demain, et mon amie chinoise qui s'est choisie Emilie comme prénom français, qui du bar est passée à la réception mais à qui ça ne plaît pas du tout.
Dimanche soir un dîner était organisé, je n’ai toujours pas compris pourquoi j’y ai été conviée mais peu importe. Il s’agissait de goûter les plats de la nouvelle carte. Que d’huile. Ils ont bu, bu, bu. Pour finir, Adrian et moi sommes allés marcher dans Chengdu, tout droit, un peu à gauche, un peu à droite, perdus nous avons donc visité d’étranges quartiers tout en discutant. Trois heures plus tard nous sommes rentrés, ils étaient tous ivres ou endormis. Il pleut toujours.
Ma chambre ne cesse d'être prévue pour d'autres, je peux la garder jusqu'au 15.

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L'Opéra du Sichuan présente une succession de numéros, tous colorés, du spectacle comique aux ombres chinoises, tours de magie et danses acrobatiques. Le spectateur chinois est aux anges, mes compagnons soufflés. J'ai bien aimé les ombres chinoises.

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samedi 8 septembre 2007

0028

Samedi jour de courses. Du supermarché où l'on peut regarder la télévision (mais pas prendre de photos) au super flea market où je me suis rendue dans l'après midi, je n'ai rien acheté. Je n'arrive pas à acheter en Chine, achat sur lequel semble reposer toute la philosophie appliquée du pays. Le ridicule pouvoir d'achat se traduirait ici par un instinct d'achat. Qui de l'instinct ou du pouvoir ?

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Il y avait ce jour là une nuée de libellule, j'ai passé un bon quart d'heure à tenter d'en photographier une en plein vol.

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vendredi 7 septembre 2007

0027

Les pandas c'est old school, la blanche qui brode, voilà une attraction Internationale. Ce quartier a d'ailleurs été inauguré le jour de la Fête Internationale, du 1 au 10 octobre, Fête du Tenth à Taiwan.
Ce matin, je suis allée demander aux brodeuses de m'apprendre leur technique, heureuse de leur présenter mon savoir en contrepartie. Le crochet de Luneville et fil de coton n'ont aucun succès, on me fait remarquer que mes bobines sont bonnes pour repriser, pas pour Broder. Je me trouve dans l'antre de la Master du Shu Embroidery, il faut que je revienne à 14h, la Master sera là, ce que j'ai réussi à comprendre en Picsino (pictionnary chinois) au bout d'une heure.
De retour à l'hôtel je rencontre la deuxième personne de mon voyage. Il s'agit d'Adrien qui s'approche, retourne s'asseoir, se rapproche, et finalement se mêle de mon assiette (œufs brouillés, y'a de quoi).
Adrien est assez beau garçon, blond, yeux très bleus, le muscle nerveux à fleur de peau, une très belle voix. Son visage bronzé, son assurance veulent cacher un profond épuisement. Trader à Singapour jusqu'au mois dernier il s'est fait beaucoup d'argent, veut continuer, mais en a assez de Rentrer à Singapour, il veut rentrer en Suisse. Il me parle de la Birmanie, s'emballe ; j'irai. Il m'explique de manière imagée et très claire en quoi consiste son travail, je suis admirative de son esprit de synthèse. Il me pose une question, mais d'un rapide revers nous retournons à ce qui nous intéresse, lui. Le bel Adrien a l'air d'un jeune vieux, il a 28 ans. Sa mère fête ses 60 ans en décembre, la présence du fils est souhaitée bien que la mère, hystérique, obnubilée par elle-même et vivant dans son monde, ne l'ait pas appelé une seule fois durant ces quatre années. Pas un mail, pas un coup de fil; il fait toujours le premier pas. Ah si, une fois, elle appelle, lui parle deux secondes pour lui dire qu'elle a fait une erreur de numéro.
Adrien est parti en 2003 en Thaïlande avec sa compagne, à l'époque c'est un garçon normal. Ils passent quelque temps en Asie, et se retrouvent à Koh Pipi en 2004, il survit, elle non. Après dix jours de recherche, on retrouve son corps que l'on rapatrie en Europe. Adrien va suivre des études en Australie et se voit rapidement proposer un excellent travail avec carte de crédit, apprentissage à London… lui qui n'avait que 18 francs en poche. Il fonce, fait ses classes, revient à Singapour, y travaille depuis 2 ans. Il n'y a personne, pas de famille, prend l'avion le WE pour Djakarta faire la fête, parfois au Cambodge, jamais en Thaïlande. Aujourd'hui Adrien est en vacances, sa famille le rejoint en Octobre comme toujours, à moins de se voir proposer le job de sa vie, il rentrera en Suisse à la fin de l'année, après avoir revendu ses meubles, à temps pour l'anniversaire de sa mère.
Sur ce je me lave les cheveux (ça claque n'est-ce pas), peaufine mon brushing pour mon premier cours en compagnie de la Master qui finalement n'est pas là. Monroe (sa nièce) se présente, elle servira d'interprète, l'élève que j'ai rencontrée ce matin devient la Master de la journée. La broderie de Shu est d'une extrême minutie.

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Monroe veut savoir depuis combien de temps je parle anglais, quels étaient mes premiers cours d'anglais (?), s'il est vrai qu'il existe un métier où l'on maquille les gens, les habille, combien de temps je reste à Chengdu, parce que la Master (la vraie) habite au deuxième étage, elle peut préparer un apprentissage spécial étant la première étrangère qui prend des cours. Est-ce que je vais en faire mon métier ? Il va falloir que je vienne tous les jours pendant six mois au moins. C'est un signe que je sois là, la Master est la meilleure dans son domaine de broderie de Shu, c'est pourquoi ils ont pu ouvrir ce commerce.
Monroe me demande alors de donner un nom anglais à la Master d'aujourd'hui. Le nom qui se rapproche du sien est Shanon que je lui soumets. Son air dégoûté me met mal à l'aise, je les laisse crier entre elles cherchant vainement un nom aux mêmes consonances et propose d'en trouver un totalement différent.
Mais Shanon adore son nom.
Il m'aura fallu deux semaines pour trouver la première clé de la chine : une fondamentale erreur d'interprétation de ma part.
Je suis à présent chargée de trouver des noms Anglais à tout le monde, d'observer avec attention le travail que Shanon fait à ma place et de sourire aux badauds venus détailler l'étrangère.
Deux heures plus tard, feignant un grand regret, je leur présente mon départ, persuadée de devoir essuyer leur déception. Mon départ ne sonne aucun glas, pire, l'on me dit de ne revenir que le lundi suivant, soit dans trois jours. Personne ne jettera le moindre regard sur mon travail.
Le soir venu, je retrouve Steve en compagnie d'une peintre anglaise qui s'est vue offrir une maison de six pièces en banlieue de Chengdu, une amie chinoise à elle, et Adrien qui nous rejoint. Je dîne et m'enfuie, épuisée.
J'entends la pluie sur la véranda, il pleut depuis deux jours. Une ampoule verdâtre éclaire les quelques feuilles du figuier. Je ne sais pas ce que je ferai de demain, et ça me rassure.

jeudi 6 septembre 2007

0026

Mesdames et messieurs, La Reine.
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Le peuple se retire, la brume se fait nonchalante

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les arbres se parent de… mais de Pandas Géants bien sûr!

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Je ne peux mieux les décrire que par le terme de Sarah, ils sont vraiment trop mougnoumougnou ces pandas. L'essence même de l'ours en peluche en poils et en bambous. Les pandas géants sont en voie de disparition, il n'en reste qu'un millier sur terre. En captivité, les femelles pandas ont généralement des jumeaux.
La mascotte des jeux olympiques de Beijing 2008 est un panda qui habite dans cette réserve, du nom de Tzin Tzin avec laquelle on peut se faire photographier pour 40€.
Bien qu'en sachant peu sur les Pandas Géants, j'en sais encore moins sur les pandas rouges. Ils ressemblent à des renards et n'ont pas leur tête mise à prix.

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Il a plu toute l'après midi.

mercredi 5 septembre 2007

0025

A peine réveillée, je fonce chercher mon métier à broder. Le voilà, prêt, accompagné d'un morceau de soie un peu léger et de cordelette rouge comme je voulais. Ravie je paye, fais à moitié semblant de comprendre comment le monter, mais d'un ça n'a jamais été mon fort, deux deux ça m'a toujours saoulée. Je me permets de vérifier le montage sur l'un de leur métier et réalise qu'il manque du tissus (ils utilisent une sorte de torchon). J'en demande. Après avoir rameuté toute la boutique et fait mine de partir si je n'ai pas mon torchon, ils en trouvent comme par miracle, et me montent entièrement mon métier.

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Pictionnary Power, nous voici en train de gesticuler, rigoler, bêtement répéter des mots vides de sens, la Master Brodeuse me sort alors un album photo dans lequel on la voit à Annecy, à Paris, en Suisse, en Italie… Elle ira jusqu'à me changer le léger morceau de soie contre un beau morceau de soie au motif pré dessiné que je suis sensée reproduire, me raboter le bois mal coupé et me proposer de venir broder avec elle.

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Syndrôme du deuxième jour (resist superstition?)
En fin de journée, suite à de virulentes douleurs d'estomac, mon sang a subitement disparu de mes extrémités. Impossible de marcher, de tenir debout, de…. On m'a proposé une fois de plus l'hôpital que j'ai refusé (je crois que pour mettre les pieds là-bas il me faudra vraiment être inconsciente au dernier degrés). S'en est suivit une nuit de lutte enfiévrée, où délire et sommeil alternés ont pris le pas sur la douleur.

mardi 4 septembre 2007

0023

L'arbre qui cache la forêt :

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voilà pour la chine. Jusqu'à présent cette version n'a pas été démentie. Depuis mon arrivée en chine, il ne s'est pas passé un jour où je n'ai entendu cogner, taper, casser (cracher hurler, mais ça c'est une autre forêt), Lhassa y compris. J'ai lu que l'hôtel dans lequel je réside va être démoli selon un arrêté datant de 2005, l'on ne sait toujours quand.

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La démolition est à chaque coin de rue, un semblant de reconstruction aussi. La chine semble ‘en cours‘, pour toujours en cours, comme si rien ne pouvait arrêter cette course au toujours plus.
Plus haut, plus grand, plus luxueux, plus compétitifs, plus…Plus bruyant, plus pollué, plus sale, plus bétonné, plus rapide, plus dévastateur.
L'harmonie esthétique de la rue dans laquelle je réside se décline ainsi :
l'entrée de mon ‘hotel‘

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la rue

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Attirée par un geste bien connu, je m'approche d'une brodeuse en plein travail, l'observe, et finis par demander un métier (je suis partie avec un métier rond, trop petit et peu pratique). Etonnés, ils se concertent et finissent pas me le proposer pour demain, non sans en avoir doublé le prix en l'espace d'une seconde ce que j'accepte si le tissus m'est fournis.
Un restaurant végératien situé dans un temple à proximité m'a été chaudement recommandé. J' y déjeune ; de l'huile, à la salade, aux asperges. Le riz y est gratuit, dans un pot en bois, le thé aussi (gratuit). Je m'engraisse pour 1,6 €. Assise à une table dehors, tables très prisée, j'occupe à moi seule l'espace prévu pour 4 personnes et propose à un couple de s'asseoir à mes côtés. Ravis ils prennent place, MAIS ILS N'ONT PAS LE DROIT, Impossible. (J'ai conclu de leur discussion, de leurs gestes, disons plutôt que c'est la seule raison qui m'est venue à l'esprit, que chaque table correspond à une commande donc une addition)

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Je me déplace en chine comme dans un pictionnary géant, où mimes, dessins, et onomatopées sont de rigueur, ce qui provoque souvent des rires et une joyeuse incompréhension.
Le soir venu je retrouve Steve fraîchement débarqué de Lhassa et passe la soirée en sa compagnie. Je lui dit qu'il ressemble à Steven Spielberg, je ne suis pas la seule. Son anniversaire est le 12 Septembre… Ce qui implique que j'ai parlé pendant une soirée entière, et que j'en suis sortie épuisée.
Le français tend à se raréfier, j'ai même du mal à reconnaître les termes ou tournures de phrases que j'emploie parfois, il se peut que ce blog finisse en onomatopée retranscrites, mimes photographiés accompagné de légendes sino-anglaises.

jeudi 23 août 2007

0011

Fin de journée à la gare de l’ouest. Une foule opaque, un passage des valises aux rayons X (un peu n’importe comment), et voie 2, le train T27.
Ce train, inauguré en 2006, parcourt 4561 km en deux jours pour relier Pékin à Lhassa atteignant l'altitude de 5123 m qui en fait le plus haut du monde. Les wagons sont pressurisés, mais une déclaration de santé concernant ‘l’aptitude à l'altitude‘ nous est donnée à remplir.
Mon guide n'a pu avoir de billet en soft sleeper (premières classes soit quatre lits dans un compartiment) ces dernières étant peu nombreuses et prises d'assaut je me suis donc rabattue sur une couchette en hard sleeper à 6 lits. La dernière classe est la hard seated qui, comme son nom l'indique est constitué de sièges.
P1010162.gif Une fille costaud au beau visage fin, et un homme bronzé, bedonnant à l’air un peu abruti et sympathique, une autre fille à l'accent typiquement américain arrivent en grande pompe dans le wagon. Quelques discussions plus tard, je me retrouve dans leur compartiment, entourée d'américains ; deux sœurs, leurs boyfriends et l’amie. Je choisis la couchette du milieu afin de ne pas avoir à me relever sans cesse. Ils ont apporté énormément de nourriture qu'ils étalent au rez de chaussée.
La couchette est dure et très étroite (50 cm). Les lits sont faits ; oreillers, draps et couette, la climatisation fonctionne, nous partons. J’échange deux mots avec mes colocataires et m'apprête à lire lorsque toutes les lumières s'éteignent. Il est 21h20, dans un train chinois, extinction des feux.
Pour parfaire une nuit atroce, peuplée de cauchemars, douleurs musculaires sans possibilité de bouger, une voix tonitruante s'abat sur nous à 7heures. Les chinois semblent habitués, ils se lèvent sans broncher vont faire leur toilette, et embaument le wagon d'odeurs de petit déjeuner non continental.
Je m'étonne que mes colocs n'aient pas fermé le compartiment cette nuit jusqu'à ce que je réalise que nous ne disposons pas de porte.
Au wagon restaurant je choisis un petit déjeuner basique : deux œufs au plat invisibles dans l’huile, deux tranches de pain de mie blanc sec sur une assiette de cantine, une cuillère à café de confiture, deux fines lamelles de beurre et un carré de viande à l’aspect ‘mozarella sans taches blanches' qui flotte dans l’assiette des œufs. J’essore tant bien que mal les œufs, j’ai très faim. J'ajoute de la pastèque et du melon achetés au vendeur ambulant, je dois surveiller mes finances n'ayant pas retiré d'argent avant de prendre le train.
Le wagon restaurant est clair, la serveuse désagréable, le serveur aussi. On m’apporte un café au lait sucré, je demande à le faire changer, ce qu’elle fait de mauvaise grâce, regarde la paysage et le café se renverse tout seul. Je demande à en avoir un autre… bon ok.
Nombreux sont les chinois qui s’assoient dans le couloir, pour manger, discuter, recharger les téléphones portable ou fument entre les wagons. Une série de 3 lavabos et miroir annoncent les toilettes, une grande poubelle pleine de pâtes, de trucs bizarres et gluants est accolée à la porte. Toilettes à la turc. Mon wagon est assez propre et moins bruyant que certaines hard classes (mais bruyant quand même). La musique se met en marche, impossible d’y échapper. Coincée sur une planche de 50 cms de large, pas assez d’espace en hauteur pour s’asseoir devant un paysage brumeux pendant encore 36 heures.
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On s’arrête à une gare, je sors et achète du pain qui fera office de dîner.
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Le paysage change vers la fin de la journée pour prendre des allures de Mongolie. La musique et les discours sont de plus en plus oppressants (même avec des boules Quies) et se transforment en blagues non stop, l’horreur.
Je tente toutes sortes d’astuces pour me calmer, je suis au bord de la crise d’angoisse; Lysanxia, je dors très mal très très mal, me réveille à 3h, marche dans les couloirs enfin silencieux et vides, et là je revis. Plus de 50 cm 2 à ma disposition, pas de radio, de cris, d’odeur de bouffe… j’en profite, fais les cent pas, les mille, m’assois dans le couloir sur un strapontin, et retourne me coucher plus paisible.
7heures, Big Sister is talking to you, réveil instantané et de mauvaise humeur mais j'aperçois alors le paysage magnifique de montagnes enneigées qui s’offre à moi. La dernière journée de train dans enfer de promiscuité chinoise. Le train monte de plus en plus pour atteindre ses 5123 m, j'ai très mal au crâne, le wagon se fait silencieux sous les effets de l’altitude , ils tombent tous comme des mouches, je les imite et m'endors.
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A 20h, une guide tibétaine m’attend ainsi qu'un chauffeur dans la gare gigantesque de Lhassa. Ils me conduisent à l’hôtel sous une pluie torrentielle et je tombe en extase devant ma chambre 6216. J’ai enfin accès aux trois S souhaités : Space, Silence, Shower.

lundi 20 août 2007

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Plan dans les mains, je me pers dans une avenue grise et sans fin. A un carrefour j'entre dans une boutique chic, mais ils ne comprennent rien et moulinent un endroit entre le ciel et la terre. Je finis par entrer au Regent hôtel où le concierge parle anglais et m'aide à me situer, en profite pour aller aux toilettes très luxueux (je ne ressemble à rien, je fais limite clodo) et mets de la crème sur mes mains qui seront le seul endroit de mon corps réconfortant par sa fraicheur jusqu’à ma prochaine douche.
Je ressors et transpire à présent l’essence, la pollution et tout ce que l’air véhicule de pourri. On ne voit ni le ciel, ni les blocs au loin. Le smog envahit tout. Remontant la rue wangfujing je prends par erreur l’international press pour la librairie internationale. Et pensant trouver le lonely planet sur le Tibet, je me retrouve dans un magasin vendant uniquement des livres imprimés en chine par les chinois.
De retour à l’hôtel, j'ai l’agréable surprise d’avoir une chambre gigantesque avec internet, lieu que je ne quitterai quasiment plus jusqu'à mon départ pour Lhassa.
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ces cages contiennent des grillons très appréciés pour leur chant.

samedi 18 août 2007

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Le 18 Aout est le jour de la St Valentin en Chine.
Réveil 5h du mat suivi de 270 kms de bus en direction du sud est et nous voici arrivés à la grande muraille, que nous escaladons pendant 2 heures. C'est superbe et l’exercice fait le plus grand bien. Griselda et son père prennent des chevaux pour redescendre, la suissesse fait un malaise, Donnie parle… tout est normal.
L S'ensuit un déjeuner composé de nombreux plats chinois avant de refaire les 270 kms en sens inverse. Inutile de penser se doucher après de tels efforts, non, nous allons au magasin de soie, magasin officiel.
C’est enfin le dernier soir, mon seul regret et de n'avoir pas eu l'occasion de dire au revoir Auxmenards.

vendredi 17 août 2007

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Réveil matinal par l’arrêt du train dans une gare chinoise. Les travailleurs sont sur le quai, en nombre. Les hollandais sont au wagon restaurant, Leguide à peine réveillé se lève, épuisé, prépare ses affaires pour sa toilette et ouvre la porte du compartiment. Devant lequel se trouve comme toujours Jean-Christophe. Peu à peu tout le monde se réveille. Il fait chaud, nous sommes fatigués, en sueur et sales. Le train nous traîne à Pékin où nous nous mêlons à une foule compacte et bruyante.
Nous retrouvons notre guide local, Wang et partons à la recherche du bus, valises en main, crasse sur le dos qui s’accroche malgré sa tendance à fondre sous le soleil invisible.
Pékin est sale, surpolluée, surveillée, surpeuplée.
Un bus pour les bagages, un bus pour nous. Je peux toujours rêver d'une douche, nous commencerons par la visite de la place Tian an men pendant que nos bagages se rendront à notre hôtel avec Leguide. Un arrêt à la banque pour retirer de l’argent, le distributeur ne fonctionne pas, une heure d’attente pour faire du change, on s’arrangera plus tard. Direction la place, rapidement happés par la réalité, grisaille, pollution et cris. Les vendeurs d’ombrelles, de livres, de cartes postales, les touristes, les explications de Wang que je n’entends plus, la poussière s’amassent devant mes yeux, tout est sale. Une ville sous cloche, prête à griller, cramer sous un soleil invisible, des morceaux d’immeubles soutenant les verts échafaudages, reliés entre eux par les innombrables grues qui piétinent les gravas existants et annoncent ceux en devenir. Les blocs de béton s’élèvent, déjà sales, sans âme, côtoyant leurs vides prédécesseurs.
Après avoir effectué un aller-retour poussiéreux le long de la place, nous retournons au car qui nous amène à l’entrée d’un Hutong. Nous avançons à travers les ruelles bondées et crasseuses pour arriver devant notre hôtel confidentiel. Ma chambre est minuscule, je n’ai pas la place de poser ma valise ouverte au pied de mon lit. Après une douche et un dîner je m'endors comme une masse.

mercredi 15 août 2007

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Réveil 5h du mat départ 6h d’Oulan Bator.
On réussit à avoir des places dans le train Chinois ce qui n'est pas donné à tout le monde, malgré les réservations. Je suis dans le compartiment Duguide, prend la couchette du haut. Ce qui ressemble à une couverture n’est pas une couverture mais un matelas. Le steward nous apporte nos draps, je fais mon lit, et me couche pour environ deux jours. Un couple de hollandais partage notre cabine, je découvre alors leur langue horrible et ses variations à mesure que leurs compagnons leurs rendent visite.
38°
P1000655.gif Ma préférence va sans doute au train chinois en ce qui concerne le lit. Plus dur et plus spacieux ou donne l’impression de l’être car la couchette n’est pas bombée. Impossible de tomber.
Une chaleur accablante mais nous étions prévenus et la présence de nuages joue en notre faveur. Nous longeons le désert de Gobi qui dépose une bonne couche de poussière à l’intérieur du wagon dont nous gardons les fenêtres ouvertes et les ventilateurs poussiéreux allumés pour faire circuler l’air, la climatisation étant en panne. Se mouiller la tête sans arrêt, appliquer un tissus trempé sur le front, les épaules, et renouveler l’opération dès que c’est sec ; j’ai réussi à avoir froid.
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Déjeuné mongol dans le wagon mongol, à la table Duguide, de Donnie et sa femme, rien à dire, aussitôt avalé aussitôt décampé. Le train est de plus en plus poussiéreux, les rideaux tirés pour éviter la chaleur, allongée, immobile.
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Arrivée à la frontière Mongole, on présente un papier déclarant l’argent que nous avions apporté ainsi que notre passeport. S'ensuit une attente de deux heures sans sortir du train avant restitution de nos passeport par la douane Mongole. Cinq minutes de train avant l'arrêt suivant à la frontière chinoise.
Le temps s’écoule, la nuit tombe, se ramasse, les compartiments s’épuisent, les lumières s’éteignent, le train s’endort… Et les hommes armés en vert arrivent. Inspection du wagon, tout le monde est mis dehors, sur le quai sans délicatesse. Le train ferme ses portes, les passagers en pyjamas pour la plupart se retrouvent propulsés sur le quai, obligés de suivre le flot en direction inconnue.
Happée par le courant je m’arrête pour rebrousser chemin mais on me l’interdit. Je tente de m’écarter, interdit, sans sourire, les hommes verts modulent le flot humain. Les passagers se massent devant une porte, passage de la douane. Une heure d’attente sur un quai au milieu de nulle part. Des lampadaires, une musique incessante, un french cancan chinois pour nous faire oublier les images de déportés qui se superposent instinctivement à cette mascarade.
Première impression de la chine : la peur.
Passez la frontière, vous aurez le droit d’acheter dans la boutique érigée à cet effet. Je suis une des dernières à entrer dans la ‘gare‘, encore 1/2 heure avant d’atteindre les guichets; les hommes en vert veillent. Ils passent par 4 en trottant, courant, pas identiques, visages impassibles, programmés, inhumains. Ils ont l’air ridicules, on ne peut s’empêcher de rire, mais d’un rire jaune, on a perdu la liberté d'en rire. Ce sont mes premiers pas dans un pays dictatorial. Je me sens très très mal, je suis terriblement angoissée. Dans la gare les cafards rôdent, sous la lumière blafarde et le regard ensommeillé et étonné des passagers qui finissent par trouver ça normal.
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Je m’inquiète. Un douanier préposé aux passeports les compare aux feuilles préalablement remplies. Ils peut sourire. Tous peuvent sourire hormis les hommes en vert qui semblent avoir disparu. Les cafards ont étés écrasés, les passagers se sont rués dans le semblant de duty free. A peine sorti de la douane, une abominable odeur d'excréments et d’urine me soulève le cœur. Je traverse la zone, longe le supermarché aux lumières agressives et retourne sur le quai, à l’air presque libre. Le train a disparu. La musique joue ses contrefaçons dans un no man’s land et à mon grand étonnement, je vois des passager se mettre à danser au rythme abominable de grésillements chinois sur fond de musique de supermarchés stridents.
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Une locomotive passe en sens inverse. Une heure s’écoule, la musique, les danseurs. Certains sont fatigués, commencent à râler. Je suis toujours tendue, aux aguets. Le train apparaît. Je grimpe dedans, et il repart. Je me suis trompée de wagon, je suis allée trop vite. Les autres ont été arrêtés et sont restés à quai. Je remonte deux wagons, me faisant ouvrir les portes par les stewards chinois et arrive à mon compartiment. Mon steward me scrute incrédule; Par où suis-je passée ? Il va vérifier mes dire. Le train finit par s’arrêter, les passagers montent, se mettent au lit. Bienvenue en Chine.