Etudier n'est pas mon fort, et ne l'a jamais vraiment été; ça m'ennuie plus qu'autre chose, et en un sens je n'y comprends rien et ne mémorise rien. Les intellectuels vielle école, parés de citations, à l'écoute de leur moindre virgule m'épuisent.
D'ailleurs tant que j'y suis je fais une parenthèse sur les préfaces. Je hais les préfaces. D'ordinaire je ne les lis jamais, et malencontreusement hier, je me suis laissée allée à en lire une, prise au piège de sa petite taille (une page). Et ça n'a pas manqué, au bout de 15 lignes, je connaissais la fin du livre. J'étais et suis toujours en rage. Les préfaces me rendent dingue car non content de vous raconter ce que vous allez lire, et vas-y que je passe de la fin à la raison pour laquelle, à comment…, on vous explique comment le lire. En quelques pages on a analysé pour vous ce que vous devez penser de l'écrit, et gare à celui qui l'interprète différemment, l'inculte.
Bref (je dis bref, mais cette histoire de préface est très importante, elle m'a bousillé ma lecture cette 15eme ligne), avant de me rendre dans un pays étranger j'achète toujours le guide (pas Leguide).
Auparavant, je l'oubliais dans l'avion, à l'aller, très ennuyeux. Ne les oubliant plus, je peux à loisir remarquer à quel point je ne les lis pas. Je m'en sers pour trouver un logement, et passe des heures à consulter le climat, les recommandations, les petits paragraphes de la fin, utiles mais ne concernant que peu le pays.
Il m'est arrivé de faire des efforts et de lire l'histoire du pays, sa situation actuelle, ces quelques 15 pages que je lis en une semaine, 8 jours à me forcer à rapatrier mon attention sur ma lecture et tout ça pour ne pas avoir la moindre idée de ce que contenaient ces 15 pages deux jours plus tard.
Il en va de même pour les modes d'emploi (j'en ai horreur) et les explications de logiciels. Je trifouille et ça marche. Par la suite, une fois que je maîtrise (logiciel, quoi que ce soit), je me fais une joie de regarder le manuel pour me perfectionner, et là je comprends et retiens.
Voilà ce qu'il en est de mon apprentissage, je suis incapable d'apprendre sur papier, j'apprends de façon intuitive et mémorise de cette même façon. Raison pour laquelle je ne peux rien citer de réel, mais peux retranscrire des situations, des ambiances et atmosphères, en les rapprochant de choses incongrues qui pourtant feront ressortir leur essence. Pour autant ce ne sera jamais historiquement exact, ni forcément logique. Je l'ai clairement identifié ici.
A force de ne pas parler thaïlandais, de faire comme si, de ne pas chercher à comprendre, j'apprends beaucoup de choses, et de façon spectaculaire. Les subtilités viennent à moi, les expressions et leur signification, les comportements et attitudes à adopter deviennent de plus en plus familiers, ce sans passer par une interprétation occidentale.
C'est un peu comme un changement de monnaie. Il y a deux façons de l'appréhender : soit on converti en gardant l'ancienne monnaie comme base pour doucement passer à la nouvelle (avec des chances que le changement mette beaucoup de temps, des années même, voire jamais), soit considérer des produits de base comme repère et construire ainsi une toute nouvelle unité par rapport à…(ce qui permet de dépenser beaucoup trop ou grappiller pour trois fois rien le temps de s'habituer).

Mon Voyage en Orient dont je suis l'Ordre.
(D'après le Voyage en Orient d'Herman Hesse, livre formidable si ce n'est cette foutue préface…)
Au printemps dernier, je marchais avec un guide algérien dans la montagne aux alentours de Tamerza. Ce jeune homme de 28 ans terminait ses études d'économie à Sfax, et son maître de thèse lui offrait la possibilité d'obtenir une place à l'université de Rennes pour suivre des cours pendant une année. A l'entendre parler, je compris que l'idée de passer un an à Rennes ne lui plaisait pas forcément, se retrouver seul, dans un pays sombre, les difficultés de logement… En poursuivant notre conversation à son sujet je lui demandai où il souhaitait habiter, et il me répondit très simplement, là où je me sentirai bien.
J'ai toujours adoré Paris. J'ai toujours adoré Londres.
C'est à Bangkok maintenant que je me sens bien. J'ai accumulé beaucoup de crasse à Paris (beaucoup de merveilles aussi). Plus le temps passe, moins je m'imagine rentrer dans ce qui m'apparait comme un vieux monde poussiéreux.
Ici je commence à me nettoyer, je ne sens même pas la pollution dont tout le monde parle.
ll faut aussi garder à l'esprit que j'y vis en EdV, et peux me faire parvenir ce qui me manque, et dispose d'internet, contact permanent avec mon vieux monde.
Très concrètement, il est aisé pour un occidental de vivre bien en Thaïlande, ce qui est loin d'être négligeable. Physiquement, on redevient beau ; les massages, la prolifération de spa, soins en tous genres, le soleil… Mes ongles ne se dédoublent pas ici, ma peau ne réagit pas de la même façon à l'air environnant (éviter tout de même le coiffeur pour une coloration blonde), la nourriture, les fruits omniprésents…
Les thaïlandais sont beaux, fiers et naturellement élégants, c'est un plaisir. On pourrait croire parfois qu'ils passent leur temps à se rectifier dans le miroir ce qui est un peu vrai, mais le résultat est plaisant.
Voici pour un bénéfice terre à terre. Je ne fais pas entrer en ligne de compte les temples qui sillonnent la ville, au même titre que l'on ne persuadera pas un parisien que sa vie repose sur la présence de la tour Eiffel.
Plus que tout, cette ville exhale la magique. L'air est constitué de poussière de bâtiments en constructions, d'or pur, de rats, de fleurs multicolores, de sons stridents agressifs des métros et sifflets, de parfums, de boue du fleuve, de bienveillance de Bouddha, de naturel, de couleurs, d'épices, de cafards, de lumières… C'est une ville qui vit. Il y a quelque chose qui relève de la foi, d'une attitude envers la vie qui lui rend hommage et la détend.
Si tout est relatif, Bangkok est en relation avec Ailleurs.