La tension commençait à être perceptible aujourd'hui. A mon retour, aux environs de 16h30, les hélicoptères sillonnaient la ville (j'y vais un peu fort, un). Je devais me coucher tôt en vue d'un réveil à 4 du mat afin de retrouver un hawaïen pour aller visiter le marché à la viande. Un appel plus tard, j'apprends que les vendeurs sont en grève : le propriétaire du terrain veut le vendre pour ériger un centre commercial. Au cours de la même conversation téléphonique, l'on m'informe que le coup d'état est prévu pour ce soir (il est 19h42, il fait nuit depuis bientôt deux heures). J'appelle l'hawaïen pour le prévenir, après être sorti faire un tour, il me confirme que toutes les rues adjacentes sont fermées, barrées par des policiers. La fenêtre ouverte, j'entends les sirènes… à suivre.
20H56, rien à signaler dans le coin. Les sirènes devaient être issues des nombreux hélicoptères qui survolaient la ville.
21h36, l'ambassade de France demande à tous ses ressortissants de rester chez eux. sms : ce soir ça va pêter grave de chez grave.
Etrange sentiment dans un pays quasi inconnu, à la population pour le moins mystérieuse. Une curiosité mêlée d'inquiétude. Le seul soucis réel de cette soirée a été un cafard géant qui s'est téléporté dans ma chambre, horreur sur patte que j'ai éradiqué à la bombe avant de le passer la fenêtre. Une mort atroce le pauvre. L'autre jour c'est à une guêpe démesurée que j'ai réservé ce sort, mais la voyant se contorsionner douloureusement, je l'ai écrasée avec une chaussure; chose que je me suis abstenue de faire avec mon invité nocturne.
Cette histoire parait déplacée, elle ne l'est pas, elle est réelle. Le coup d'état charrie une trop forte dose d'irréalité. En France, je connais les mentalités, les réactions, les sens, les prévois. Ici tout est impromptu, je ne ressens pas les mœurs (après avoir arrêté de les déduire de façon erronées), les attitudes. Les thaïlandais sont incompréhensibles, nos deux cultures totalement hétérogènes. Impossible de rapprocher l'une de l'autre, d'interpréter un comportement thaïlandais avec un esprit français.
J'attends donc que ce que je n'ai jamais vécu (un coup d'état), dont je n'ai aucune idée, ait lieu ce soir. Ou pas. Des grenades, des fusillades, des bombes, dans le coin, très loin… je n'en ai pas la moindre idée. L'habituelle exagération de nos journaux télévisés ne donne aucun renseignement sur la réalité des faits et le ressenti à leur égards. 22h05, pas de nouvelles, pas de bruit, j'ai fermé la fenêtre. 22H27, je l'ai rouverte, j'entends le flot continu des voitures qui ce soir charrie des ombres. De ma demeure la ville serait calme sans la tension sous-jacente que je lui prête. Les lumières scintillent trop vite, le ciel est trop rouge, le silence trop profond ou le bruit trop uniforme.
le jour se lève, rien à signaler.