cadavresprescritsenoctobre
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1-obscurité 2- sarah 3- baiser 4- 104 5- obama 6- recommandé-méchanceté 7- ménage 8- tarte aux myrtilles 9- tokyo huitres 10- 2kg 11- première 12- loi Kratong 13- nettoyage 14- non rien 15- courrier 16- calme 17- piscine 18- visa 19- soja géant 20- soleil 21- chips 22- manucure 23- futur antérieur 24- remplir 25- papiers 26- ciel blanc 27- tension 28- inconnu 29- indigo 30- crâne |
Le 1er jour au lever du soleil. Une ribambelle d’enfants tous plus sautillants les uns que les autres se pressait non loin des rives encore bercées du calme de la nuit. Ce qui frappa tout de suite Obama c’est qu’il aurait du être avec Amadou et Myriam qu’il avait invités avec tant d’autres pour ce 20 janvier, jour de son investiture…mais son sang se glaça : ces enfants déjà n’avaient l’air d’être ni américains, ni afro-américains, ne ressemblaient à personne vivant sur le continent où il vivait, en tous cas pas dans ces accoutrements bizarres… Une suée glaçante le parcourut des pieds à la tête, il ferma quelques instants complètement ses yeux et l’obscurité qui l’envahit évinça la tension qui avait commencé à lui donner quelques tremblements incontrôlables. Cela le rassura et c’est sans réfléchir et en toute confiance qu’il les rouvrit, assurément ce drôle de rêve était le reflet de toute la fatigue accumulée depuis tous ces jours sans beaucoup de sommeil. Mais sous le ciel blanc où des milliers de papiers multicolores volaient dans tous les sens il sentit instantanément que rien, NON RIEN, n’avait changé, les enfants étaient toujours là, hurlant et gesticulant dans tous les sens en arborant des sourires triomphants. Pour la première fois sa vie lui échappait, le contrôle des choses et des êtres lui échappait, le sens des réalités lui échappait. Il resta là figé les bras ballants le regard hébété, frappé d’une stupeur paralysante. Le 2ème jour, inconnu sur une terre inconnue. Sur ses paupières douloureuses il sentit l’éphémère caresse d’un baiser. Le souffle coupé par les dernières images qui précédaient ce long sommeil d’amnésique, il osa quand même commander à son cerveau l’ouverture de ses deux volets engourdis : le bleu indigo de l’eau le frappa en premier, l’eau de la piscine autour de laquelle s’affairait une femme de ménage, concentrée sur le nettoyage du lâcher de confettis de la veille et elle aussi habillée comme les enfants aujourd’hui disparus. Il se concentra fortement et fit appel à ses souvenirs : où avait-il déjà vu ce genre d’habillement, dans quel pays, sur quel continent ? Des habits de cérémonie, du rouge, du jaune, du vert, ça y était, il se rappelait être allé visiter la Thaïlande quelques années auparavant et cette remontée dans le temps ne fit que l’inquiéter un peu plus, que faisait-il là, pourquoi ne se souvenait-il de rien ? Lentement il tourna son visage figé dans cette interrogation, quelques gouttes de sueur perlaient et descendaient le long des sillons laissés par les rides qui ne faisaient que se creuser…il tourna donc son visage vers un bruit qui couvrait celui du balai de paille de la femme de ménage indifférente. Croc, croc, kruitt, kruitt, une très jeune fille noire, vêtue elle aussi d’habits traditionnels de cérémonie était nonchalamment affalée sur un transat à sa droite et les chips qu’elle croquait étaient d’une taille démesurée ainsi que le reste qui attendait comme une tarte aux myrtilles et une coupe emplie de 2kg de soja géant, tout cela était absurde ! Sarah, dit-elle, je m’appelle Sarah, j’arrive tout droit de Tokyo, j’en avais vraiment marre qu’ils me servent matin, midi et soir ces infâmes huitres aux vertus soi disant inimaginables, on est bien mieux ici, pas vrai ? Là on retrouve nos bonnes vieilles habitudes avec ces concentrés de sucres et de graisses, pas vrai ? Elle émit un rire démesuré lui aussi. Alors j’ai bien fait de vous réveiller, c’est quand même pas tous les jours que je ferais ça, vous savez le baiser sur les paupières, mais là c’est différent on me l’a recommandé et puis vous aussi vous êtes venu assister à la CEREMONIE hein ? celle qui nous laissera repartir sans rancune, colère, méchanceté ou toute autre souillure de l’âme, hein ? Alors vous voulez bien y assister avec moi tout à l’heure ? Mais assister à quoi bon sang ? Mais au lâcher de kratongs, vous savez bien, le loy kratong sensé nous apporter la fortune et nous faire repartir d’un bon pied, enfin si on a mis assez de pièces, de bougies et d’encens. Ah oui, tout lui revenait petit à petit, lorsqu’il avait fait ce fameux voyage en Thaïlande il avait vu ces petites embarcations, les kratongs, mais à l’époque il s’était un peu moqué de ces anciennes superstitions, là il ne riait plus du tout. Il se leva avec difficulté, le corps engourdi autant que le cerveau. Eh, attendez, je passe chez la manucure, j’en ai sacrément besoin, et je vous rejoins, c’est d’accord ? Euh…oui oui, on se voit mais où exactement ? Là-bas dit-elle désignant de son doigt, il était vrai paré d’un ongle plus que douteux, ce qui semblait être un bureau. Ce mal de crâne ne le quittait pas, peut-être vivait-il là une hallucination ? Lentement très très lentement il avança vers l’unique pièce de l’unique maison alentour. Assis ou plutôt courbé sur la paperasse qui jonchait la table un fonctionnaire en habit de militaire mâchouillait un morceau de bambou et fredonnait un air inconnu. Il leva lentement la tête et un sourire joyeux illumina son drôle de visage enfantin : Mister Obama voici votre courrier, et votre visa aussi est arrivé, plus de souci, dit-il en riant de plus belle. Il faut remplir le formulaire, là, et ce sera fini, terminé, retour vers le futur, et pas antérieur hein, ha ha ha ! Obama prit les papiers, fit ce qu’on lui demandait, et sortit. Dehors la neige, plus de ciel délavé, plus de piscine à l’eau d’un bleu indigo, plus de voisine écervelée, plus d’enfants diablement pleins de vitalité, plus de femme de ménage en habit de cérémonie, plus de confettis et fleurs multicolores, non, à la place les allées trop bien lissées ou policées ? qui menaient à la Maison vous savez celle qui arbore la couleur de la pureté, enfin il ne comprenait toujours pas où il était allé et comment mais il savait pourquoi : dans quelque minutes il allait prêter serment devant toute une nation confiante et attentive, c’était maintenant promis et plus que sûr il ne rirait plus des anciennes traditions, il ferait repartir ce pays qu’il aimait et qui venait de lui donner toute sa confiance.
Olivia Louis
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